Ils sont opportunistes ou professionnels et peuvent utiliser la ruse ou la violence. Eux, ce sont les braqueurs de fret. Leurs cibles : les Smartphones, l’alcool, les parfums, l’électronique dans son ensemble, les cigarettes, la maroquinerie… Et plus généralement, tous les biens de grande consommation qu’ils pourront écouler sans trop de difficultés, aussi bien en France qu’à l’étranger pour les plus organisés. Depuis plusieurs années et sans que cela fasse la une de nos quotidiens, des chargements entiers sont ainsi interceptés sur nos routes par des pirates d’un nouveau genre.
En matière de vols de fret, il est possible de distinguer 2 types de braqueurs que nous qualifierons de non-professionnels ou opportunistes et de professionnels.
Les non-professionnels agissent par instinct ; ils rôdent, guettent et frappent lorsqu’une opportunité se présente.
Ils peuvent tout aussi bien cambrioler un dépôt de nuit parce qu’ils auront été informés de l’absence ou de la défectuosité de l’alarme intrusion. Ou voler une camionnette de livraison alors que le chauffeur a laissé les clefs sur le contact. Ou quelques colis si le chauffeur a négligemment laissé les portes ouvertes de sa camionnette pendant sa livraison. Ou bien encore, dépouiller de son contenu un 38 tonnes stationné sur une aire de repos d’autoroute mal éclairée alors que le chauffeur est dans les bras de Morphée. Si cette catégorie d’acteurs malveillants n’est pas très organisée, elle n’en est pas moins dangereuse, car les membres de ces équipes sont bien souvent impulsifs et potentiellement très violents.
Les professionnels quant à eux agissent toujours avec beaucoup de méthodologie. Comme dans tout parcours professionnel, un délinquant commence par de petits boulots. Il vole dans les magasins, sert de guetteur pour toute sorte de commanditaires, se livre à de petits larcins et trafics en tout genre, etc. Puis arrive le jour où il s’agit de donner une nouvelle orientation à sa carrière : certains choisissent de se ranger et d’autres de poursuivre leur parcours. Dans ce cas précis, le « must » pour beaucoup d’entre eux est de monter au « braquo ». Comme tout débutant, ils commencent petit, en s’attaquant aux commerçants de proximité (épiciers, pharmacie, tabacs…). Puis, avec leur expérience et leurs gains, ils se professionnalisent, ils voient plus gros. Ils s’attaquent alors à un supermarché ou se lancent dans le car-jacking ou home-jacking.
Et puis vient un jour où le copain du copain a un tuyau énorme, car il travaille dans un entrepôt plein de fret. En tant qu’entrepreneurs du crime, les plus intelligents d’entre eux réuniront une équipe et se prépareront à passer à l’attaque avec, dans un premier temps, les moyens du bord. Si leur première grosse opération est couronnée de succès, ils achèteront alors des armes, des gilets pare-balles, des brassards de police, etc. Et ils remettront cela inlassablement.
De temps en temps, ils se mettront au vert et partiront se reposer en Espagne ou bien encore en Thaïlande. Mais dans tous les cas, ils ne seront jamais rassasiés, car les images de Heat, de Braquo, les hanteront et ils voudront toujours aller plus loin. Certains tomberont sous les balles des forces de l’ordre ou dans des accidents de la route lors d’une course-poursuite avec les forces de l’ordre. Certains se feront accrocher et donneront alors une nouvelle tournure à leur carrière criminelle en devenant des indicateurs, des « tontons ».
Certains seront interpellés et iront parfaire leur connaissance du crime en prison, lieu où ils gagneront des galons ou où ils se radicaliseront pour mener une lutte armée contre une société qu’ils estiment ne pas être juste ou impure.
Tout d’abord, il y a la phase d’initiation. Cette phase leur permet de savoir ce qu’il y a à voler et où. Pour ce faire, ils peuvent infiltrer l’entrepôt en se faisant embaucher via une société d’intérim ou bien plus simplement en ayant un complice à l’intérieur. Ils peuvent aussi dans certains cas cibler un des employés et « l’accrocher » en le menaçant ou en le faisant « chanter ». Ils identifient leur cible généralement grâce à des renseignements internes ou à des indiscrétions.
La deuxième phase est une phase de préparation. Les braqueurs rassemblent un ensemble de renseignements allant de la proximité des postes de police ou de gendarmerie, au nombre d’agents de sécurité présents sur le site ou bien encore aux moyens de détection d’intrusion en place et de vidéosurveillance. Ils se préparent en étudiant leur cible sous ses moindres détails. Ils cherchent à savoir si le véhicule est équipé d’une balise GPS ou bien encore s’il est escorté. Ils étudient la fréquence des départs, les routes empruntées, les habitudes du chauffeur.
Durant cette phase, ils définiront très précisément le lieu où ils « taperont » le véhicule. Ce lieu sera très important, car il conditionnera leurs possibilités d’exfiltration. Ils identifieront également la zone de stockage de leur butin, car, contrairement à des sacs de billets ou des bijoux, des palettes de fret ne peuvent pas être stockées dans un box ou un appartement. Les braqueurs mettront aussi à profit cette phase pour identifier des acheteurs en gros pour les marchandises qu’ils auront volées. Les plus chevronnés d’entre eux pourront même aller jusqu’à exporter les marchandises volées.
Les moyens matériels utilisés par cette typologie de braqueurs seront proportionnels à l’enjeu : armes de poing et d’épaule, talkies-walkies, scanners, gyrophares, brassards police et menottes constitueront l’équipement de base. Ils voleront des voitures et camions et se fourniront en armement. Les armes peuvent aller de la simple barre de fer, au marteau ou la bombe lacrymogène à la kalachnikov, au fusil à pompe et autres pistolets 9 millimètres. En la matière, tout dépendra de leur maturité dans le monde criminel.
La troisième phase est la phase d’action. Comme vous le comprendrez, cette phase est la phase la plus délicate. Car, en pénétrant dans le dépôt, les braqueurs doivent neutraliser tous les salariés et agents de sécurité en un minimum de temps, et ce, sans que l’alerte puisse être donnée. Le jour J, chacun connaîtra parfaitement sa mission. Pour ce faire, mais aussi pour charger le plus rapidement possible les palettes de fret, les équipes de braqueurs de fret agissent toujours en nombre. Une équipe peut être composée de 6 individus à une douzaine d’individus. Dans cette phase d’action, chacun a un rôle bien précis. Il y a les guetteurs qui « chouffent » l’arrivée éventuelle des forces de l’ordre. Pour ce faire, ils se placent sur les voies d’accès à l’entrepôt, le plus en amont possible, afin de donner l’alerte en cas de problème. Là aussi, les équipes les plus expérimentées peuvent avoir pour mission de ralentir par tout moyen la progression des forces de l’ordre afin de permettre au reste de la bande de prendre la fuite.
La seconde équipe est quant à elle en charge de la « protection » du site et de la surveillance des otages.
Quant au chauffeur, il sera généralement dépouillé de ses effets personnels et notamment de son téléphone, menotté et retenu le temps nécessaire pour que ces bandits de grand chemin puissent s’exfiltrer et se mettre à l’abri.
Enfin, il y a l’équipe de chargement. Tous les membres de cette équipe doivent savoir parfaitement utiliser des chariots élévateurs et autres transpalettes. En l’espèce, vous pouvez être assurés que la productivité de cette équipe est suivie de très près.
Selon la cible des braqueurs et leur ambition, la phase action peut durer plusieurs heures. Généralement, les braqueurs de fret agissent entre 21 h et 6 h du matin afin de tenir compte des problématiques de circulation.
Enfin, la quatrième phase est une phase d’exfiltration. Les braqueurs doivent non seulement avoir la conviction de pouvoir quitter les lieux, mais aussi de rejoindre leur point de chute sans être confrontés à une autoroute fermée ou à une course poursuite sur l’unique route qui mène à l’entrepôt.
Dans leur analyse, les braqueurs changeront de cible s’ils jugent qu’une ou plusieurs phases sont trop compliquées à appréhender.
Une fois leurs méfaits commis, ils stockeront les marchandises, feront un inventaire précis et dispatcheront les marchandises. Et puis viendra le jour où ils recommenceront, en ayant appris de leurs erreurs et en étant toujours plus ambitieux et déterminés, et ce jusqu’au jour où ils finiront par tomber dans les filets de l’un des deux offices centraux (OCRB, OCLDI) chargés des affaires les plus importantes.
Ces bandits de grand chemin des temps modernes font tout particulièrement parler d’eux dans la période de Noël, ce que l’on appelle la Peak period. Plus que jamais pendant les 3 mois précédents la fin de l’année, des semi-remorques sillonnent nos réseaux routiers et des camionnettes parcourent nos centres-villes afin de livrer tous ces produits qui raviront petits et grands le jour de Noël.
Cette période n’est pas sans ravir aussi des braqueurs de fret qui s’attaqueront aux chauffeurs et à leurs chargements de biens à forte valeur ajoutée. Leurs cibles : les Smartphones, l’alcool, les parfums, l’électronique dans son ensemble, les cigarettes, la maroquinerie… Et plus généralement, tous les biens de grande consommation qu’ils pourront écouler sans trop de difficultés, aussi bien en France qu’à l’étranger pour les plus organisés.
Avant toute chose, la sûreté est une affaire de sensibilisation du plus grand nombre afin que les procédures et consignes de base soient parfaitement respectées. Qu’il s’agisse de la fermeture des portes de quai, des procédures de réception et d’enlèvement des marchandises, du port du badge, des conditions de mise en et hors service de l’alarme intrusion, de la sanctuarisation renforcée de certaines zones ou bien encore des procédures de tests et d’activation des balises GPS…, il est une certitude : rien ne doit être laissé au hasard. Hélas, le déploiement de ces moyens ne suffit pas si leur coordination n’est pas parfaitement orchestrée. Ces braqueurs chevronnés feront de la moindre brèche un trou béant où toutes les certitudes concernant la sûreté du site ou des chargements s’écrouleront purement et simplement.
Face à de telles attaques, certains transporteurs ont déployé des moyens très importants pour contrer ces offensives de vol de fret. Si les véhicules les plus sensibles sont équipés de balise GPS et escortés, ils sont aujourd’hui également surveillés par vidéo, et ce en temps réel. Si la rapidité d’action constitue pour les braqueurs un des facteurs clefs de succès, la rapidité de réaction de la part du transporteur sera également primordiale pour la protection du chauffeur et de son chargement.
Pour contrecarrer les actions de ces braqueurs, outre les moyens décrits ci-dessus, certaines règles doivent être impérativement observées par les chauffeurs : prendre conscience de leur environnement afin de détecter toute situation suspecte, ne jamais laisser les clefs sur le véhicule lors des livraisons, s’assurer que les portes d’accès à la cabine sont bien fermées à clef lors des phases de déplacement, être discret en toutes circonstances, etc.
En cas de situation suspecte, le chauffeur ne devra pas hésiter à contacter les forces de l’ordre en composant le 112 depuis un téléphone portable.
Enfin, il doit être porté à la connaissance des chauffeurs que les forces de Police, Gendarmerie et des Douanes ne procèdent jamais à des contrôles de véhicules de transport de marchandises sur les autoroutes avec des véhicules qui ne sont pas sérigraphiés.
La lutte contre ce type de personnages réclame de mettre en place de véritables stratégies et tactiques, et ce, non seulement au sein même des entreprises, mais aussi au niveau de l’État. Car le braquage d’un entrepôt de fret et donc potentiellement de centaines de milliers d’euros, voire de millions d’euros, aura inéluctablement des conséquences en matière de sécurité publique au sens le plus large du terme. Pour les braquages les plus importants, ce sont l’OCLDI (Office Centrale de Lutte contre la Délinquance Itinérante) ou l’OCLCO (Office Centrale de Lutte contre le Crime Organisé) qui sont en charge d’intercepter ces pirates d’un nouveau genre.