Face au bruit des opinions, la vérité ne fait plus le poids. Aujourd’hui, ce n’est plus ce qui est vrai qui compte, mais ce que chacun veut entendre. Nous sommes devenus sourds à la réalité, obsédés par notre propre écho. Et ce glissement collectif menace bien plus que nos débats : il sape les fondements mêmes de notre vie en société.
Un simple désaccord suffit désormais à déclencher une tempête. Dire « non » est vu comme une attaque. Une critique est vécue comme du harcèlement. Le débat s’efface au profit de l’indignation.
La vérité ? Elle dérange, donc on la rejette. Elle impose de penser, donc on la fuit. Elle n’est plus recherchée : elle est filtrée, ajustée, remodelée pour ne pas heurter les sensibilités.
Nous ne cherchons plus à comprendre le monde : nous exigeons qu’il nous ressemble. Tout ce qui ne valide pas nos opinions est perçu comme une offense.
Et je ne parle pas ici des autres, mais bien de « nous ». Car nous avons appris à regarder la vie à travers le prisme étroit de notre expérience personnelle. Nous ne faisons plus l’effort de regarder autour, encore moins devant.
Ce n’est pas mon avenir qui m’inquiète. C’est celui de mes enfants. Et de tous ceux qui viendront après. Que leur transmettons-nous, si ce n’est une société crispée, repliée sur elle-même, incapable de se remettre en question ?
L’absurde est devenu banal. Un candidat à la présidentielle américaine peut affirmer que des Haïtiens volent et mangent des animaux domestiques, sans provoquer autre chose que des ricanements ou de la lassitude.
En France, certains responsables politiques minimisent la gravité de la situation. D’autres préfèrent vendre de l’espoir à crédit, plutôt que d’affronter la réalité en face.
La vérité n’est plus utile : elle est devenue un obstacle à la mise en scène.
L’abbé Pierre, longtemps figure morale respectée, est aujourd’hui au cœur d’accusations qui glacent. Et lorsque le pape François admet que le Vatican était informé, une question demeure : qu’ont-ils fait pour protéger les victimes ? Rien, ou si peu.
Une nouvelle fois, le silence a recouvert la vérité. Par peur, par intérêt, ou simplement par habitude.
Le mensonge va plus vite. Il rassure. Il simplifie. Il évite les débats. C’est pour cela qu’il prospère.
Mais cette victoire n’est qu’apparente. Car la vérité, elle, finit toujours par revenir. Parfois lentement. Parfois douloureusement. Mais inévitablement.
Comme un feu qu’on croit avoir éteint, mais dont les braises n’ont jamais cessé de couver.
Nous vivons une période de confusion, mais tout n’est pas perdu. Ce n’est pas la vérité qu’il faut craindre, c’est notre renoncement à la chercher.
Elle renaîtra. Par ceux qui doutent encore. Par ceux qui osent poser les questions qui dérangent. Par ceux qui refusent de se satisfaire des apparences.
Car il n’y a pas d’avenir possible dans le déni. Et pas de liberté durable sans vérité.