Ils portent l’uniforme olive et veillent sur le régime depuis 1979. Dans les couloirs du ministère comme sur les chantiers pétroliers, leur empreinte est visible, parfois écrasante. Comprendre l’Iran sans les Pasdaran ? Mission impossible.
Mai 1979 : à peine la monarchie tombée, l’ayatollah Khomeini forge un corps d’élite chargé de protéger la Révolution. Objectif premier : empêcher l’armée classique, jugée trop tiède, de reprendre la main. La guerre contre l’Irak éclate un an plus tard ; le sang se mêle aux slogans. La légende naît dans les tranchées, au son des haut-parleurs psalmodiant des versets.
Quarante ans ont passé. Le Pasdaran ne se contente plus de manier la Kalachnikov. Il construit des barrages, pose de la fibre optique et signe des contrats gigantesques. Le ministère du Pétrole sait qu’il faudra négocier. La Bourse de Téhéran suit ses humeurs. Les Iraniens, eux, se demandent combien d’entreprises appartiennent vraiment à l’État et combien gravitent autour de cette garde devenue holding géante. La ligne est fine ; souvent, elle s’efface.
En 2019, Washington inscrit le Corps sur sa liste d’organisations terroristes. Le Canada enchaîne, l’Union européenne durcit le ton. Effet domino ? Pas exactement. Chaque sanction renforce le récit d’un Iran assiégé, soude les rangs, pousse l’organisation à l’autarcie industrielle. Ironique, certes. Mais l’auto-suffisance nourrit la fierté nationale, et la fierté sert la discipline.
Dans les rues de Téhéran, la milice Basij, branche populaire du Corps, surgit au premier graffiti contestataire. Matraques, motos, cris. Pourtant, quelque chose se fissure. Les jeunes, connectés, rêvent d’air libre. Ils respectent les vétérans ; ils redoutent l’uniforme ; ils n’acceptent plus la peur comme horizon. Le Pouvoir le sait. Il serre sa garde, il augmente les salaires, il défend l’idée d’ennemis invisibles. Jusqu’à quand ?
Le Pasdaran survivra-t-il à l’inflation, au chômage, aux appels à la transparence, et depuis plusieurs jours maintenant à l’opération Rising Lion lancée par Israel ? Peut-être, mais personnellement, je ne le pense pas. Son envergure économique lui offre des ressources inépuisables. Mais l’Histoire regorge de forteresses que l’on croyait éternelles. Une étincelle, parfois, suffit. L’Iran avance, hésite, trébuche ; la garde, elle, tient la ligne. Pour l’instant…