Face au risque, l’ennemi le plus insidieux n’est ni l’aléa ni l’incertitude : c’est le déni. Il aveugle les esprits les plus brillants, paralyse les meilleures volontés et prépare le terrain aux catastrophes que l’on prétendait vouloir éviter. Pourtant, dans l’univers de la gestion des risques, ce mécanisme de défense psychologique est bien souvent le premier pas vers l’irréparable.
Le déni s’enracine dans une illusion de contrôle et une peur viscérale d’affronter la réalité. Plutôt que de regarder en face une menace grandissante, individus et organisations préfèrent minimiser, rationaliser ou tout simplement ignorer les signes avant-coureurs.
C’est oublier une règle fondamentale : un risque identifié n’est jamais neutre. Dans la temporalité propre au risque, sa matérialisation n’est pas une question de « si », mais de « quand ». Le véritable enjeu ne réside donc pas dans sa négation, mais dans la capacité à anticiper son émergence, malgré l’impossibilité de prédire précisément l’instant où il se concrétisera.
Une gestion rigoureuse des risques repose sur une veille permanente. Les risques, surtout les plus critiques, ne disparaissent pas parce que l’on détourne le regard. Ils mutent, s’adaptent, s’accumulent dans les interstices de nos insouciances.
Seule une analyse méthodique et renouvelée peut permettre de détecter les évolutions subtiles qui transforment un risque latent en menace imminente. Ce travail exige constance, lucidité et un effort permanent d’humilité face aux dynamiques du monde réel.
Le jour où le risque se matérialise, ceux qui auront choisi l’aveuglement entreront dans une sidération brutale. Ils chercheront des coupables, des circonstances atténuantes, des justifications. Mais le mal sera fait.
Accepter l’existence des risques, les intégrer pleinement à la réflexion stratégique et maintenir une vigilance active permettent non seulement de limiter les impacts, mais aussi, souvent, d’éviter l’effondrement.
Le déni n’est pas seulement une faute psychologique : il est une trahison méthodologique. L’histoire récente, des crises financières aux attaques terroristes, en passant par les effondrements sanitaires ou écologiques, en fournit de douloureuses démonstrations.