Syrie : entre djihadisme et islamisme, quel destin pour le pays ?

Alors que le régime de Bachar el-Assad vacille sous le poids des avancées éclaires de ses opposants, l’avenir de la Syrie apparaît plus incertain que jamais. Ce contexte chaotique impose une réflexion approfondie sur les forces en présence, en particulier sur les groupes islamistes et djihadistes, souvent amalgamés dans le discours médiatique et politique. Pourtant, ces termes désignent des réalités différentes, bien que liées, qu’il est essentiel de distinguer pour comprendre les dynamiques à l’œuvre.

Djihadiste vs Islamiste : une question de stratégie et de finalité

Un djihadiste est un individu ou un groupe qui utilise la violence armée dans le cadre du « djihad », interprété comme une guerre sainte visant à défendre ou à imposer une vision radicale de l’islam. Leur objectif principal est souvent transnational : établir un califat ou une gouvernance islamique stricte à l’échelle régionale, voire mondiale. Les groupes tels que Daech ou Al-Qaïda incarnent cette logique, avec une vision apocalyptique et expansionniste.

En revanche, un islamiste est avant tout une personne ou un mouvement prônant l’application de la loi islamique (charia) dans la sphère politique et sociale. Cela inclut une large gamme d’acteurs, depuis les partis politiques légalistes comme les Frères musulmans, jusqu’aux groupes armés adoptant des moyens coercitifs pour parvenir à leurs fins. Tous les islamistes ne sont pas djihadistes, bien que certains puissent adopter des stratégies violentes.

L’islamiste armé : un djihadiste en puissance ?

Cette question soulève une problématique complexe. La frontière entre islamisme et djihadisme est floue, particulièrement en période de guerre. Un islamiste armé peut ne pas adhérer à l’idéologie globaliste des djihadistes. Cependant, il peut recourir à la violence pour atteindre ses objectifs locaux, comme le renversement d’un régime ou l’instauration d’un État islamique dans une région donnée.

Dans le contexte syrien, cette distinction est rendue encore plus difficile par les alliances fluides et les intérêts changeants des différents groupes armés. Des factions islamistes initialement modérées peuvent radicaliser leurs positions sous la pression des financements extérieurs, des dynamiques de guerre ou de la répression.

Un destin syrien hautement incertain

La chute éventuelle du régime de Bachar el-Assad ne signifierait pas la fin des souffrances pour la Syrie, bien au contraire. La fragmentation du pays en zones contrôlées par divers acteurs — djihadistes, islamistes, milices locales ou puissances étrangères — ne fait qu’accroître l’instabilité. Les forces internationales, notamment la Russie, les États-Unis, et la Turquie, poursuivent leurs propres agendas, alimentant les conflits par procuration.

Si les djihadistes ont prospéré dans ce chaos, les islamistes, souvent plus enracinés localement, pourraient jouer un rôle clé dans l’avenir politique du pays. Cela pose une question cruciale : une gouvernance islamiste « modérée » est-elle une solution acceptable pour stabiliser la Syrie, ou risque-t-elle de dégénérer en un régime autoritaire à base religieuse ?

Éteindre ou gérer les flammes ?

Face à la menace djihadiste, certains prônent une stratégie d’éradication militaire totale. Cependant, l’histoire récente montre que l’élimination physique de ces groupes ne suffit pas à résoudre les problèmes de fond : pauvreté, répression, marginalisation sociale et rivalités ethniques. Une approche plus nuancée consisterait à désarmer les groupes islamistes modérés tout en les intégrant dans un processus politique inclusif.

Pourtant, une telle stratégie nécessite une vision claire, un leadership international coordonné, et une volonté de reconstruire un État syrien sur des bases solides. À ce jour, aucun de ces éléments ne semble réuni, laissant planer une ombre sur l’avenir de la Syrie.

En conclusion, la différence entre djihadisme et islamisme est bien plus qu’une nuance terminologique ; elle représente des visions du monde et des stratégies distinctes, mais souvent entrelacées. Dans un Moyen-Orient en ébullition, la Syrie reste le théâtre où ces idéologies se confrontent, se croisent et redéfinissent les contours du pouvoir. Et, si l’avenir du pays est incertain, une chose est sûre : seule une approche globale, mêlant diplomatie, aide humanitaire et action militaire ciblée, pourra espérer éteindre les flammes de cette guerre dévastatrice.