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Vol au Louvre : l’inquiétant professionnalisme des voleurs

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Le Louvre a fermé ses portes ce dimanche 19 octobre. Vers 9h30, quatre individus ont dérobé sept pièces d’une valeur inestimable dans la Galerie d’Apollon, avant de s’évanouir dans la nature à bord de deux scooters. La durée de l’opération : sept minutes chrono et en plein jour.
Des bijoux historiques liés à Napoléon et Joséphine : un collier, un diadème, une broche et d’autres pièces du trésor impérial. Le genre d’objets qu’on ne revend pas au coin de la rue. Le genre de cible qui implique une longue préparation, une connaissance millimétrée des lieux, du timing et des failles de l’ensemble.
Monte-charge côté Seine. Fenêtre précise. Vitrines fracturées en quelques secondes. Fuite coordonnée. Rien n’a été laissé au hasard. Les voleurs savaient exactement où frapper, comment entrer, par où sortir et ne sont pas sur le papier des amateurs. Mais qui exactement ?

L’hypothèse du cloisonnement

Voilà où ça devient intéressant. À l’heure de « l’ubérisation » de la délinquance, j’utilise le terme faute de mieux, rien n’empêche de penser que la préparation soit le fait de vrais professionnels et l’exécution confiée à des petites mains qui ne seraient pas fichées au grand banditisme. Des exécutants qui ne savent rien du commanditaire, qui ne connaissent pas les cerveaux, mais qui suivent un plan.

Concrètement, voilà comment ça fonctionne. Un commanditaire paie un professionnel pour élaborer le plan. Ce professionnel entre en contact avec des exécutants via des réseaux cryptés et aucune des équipes ne connaît l’autre. Le cloisonnement est parfait. Si l’une tombe, les autres tiennent.

Ce type de modus operandi n’a rien de neuf. Dans les années 80, des terroristes étatiques l’utilisaient déjà pour éviter que tout le réseau s’effondre en cas d’intervention des services de sécurité intérieure. Une équipe pour le renseignement, une pour la préparation et la logistique, une pour l’exécution et une dernière pour l’exfiltration. Aucune ne se connaissait. Aucune ne pouvait donc, en cas d’interpellation, balancer les autres.
Ici, je penche pour ce scénario. Pas par goût du spectaculaire, mais parce que la froideur de l’exécution et la précision du plan y ressemblent. Des exécutants qui ne posent pas de questions, qui appliquent et qui disparaissent. Et derrière, quelqu’un qui sait exactement ce qu’il veut et comment l’obtenir.

Un butin impossible à écouler ?

La police privilégie la piste de la commande, ce qui est parfaitement logique. En effet, ces pièces sont connues et répertoriées et ne peuvent intéresser que des collectionneurs très discrets, prêts à payer très cher pour des objets qu’ils ne pourront jamais exposer. L’hypothèse de la découpe et de la fonte est peu probable. On ne fond pas un diadème impérial pour récupérer quelques grammes d’or. Ce serait détruire l’essentiel de la valeur.
Les enquêteurs de la Brigade de répression du banditisme (BRB) et de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) ont été saisis et leur mission est d’une part de mettre la main sur l’équipe et de retrouver les bijoux avant qu’ils ne disparaissent dans les circuits clandestins internationaux. Les 48 premières heures sont déterminantes. Passé ce délai, les bijoux s’envolent.

La vraie question, c’est la faille de sécurité

Et voilà le point qui fait mal. Comment une équipe s’introduit-elle en pleine journée, par une fenêtre côté Seine, dans l’un des musées censés être parmi les plus sécurisés au monde ? Le Louvre n’est pas un petit musée municipal de province. Les dispositifs de sûreté y sont supposés exceptionnels : détection périmétrique, vidéosurveillance, contrôles d’accès, rondes, coordination avec les forces de l’ordre.

Quelque chose n’a pas fonctionné. Une faille technique ? Un défaut humain ? Une zone mal couverte par les capteurs ? Sans doute un mix des trois. Mais surtout, cela confirme que les voleurs avaient une parfaite connaissance du dispositif interne et en ont identifié les failles, qu’ils ont exploitées. Et ça, ça pose des questions gênantes sur l’étanchéité de l’information en amont.

Selon plusieurs sources un rapport de la Cour des comptes qui devrait paraître début novembre, laisserait entendre de graves failles de sécurité, au Musée du Louvre, et notamment en matière de vidéosurveillance.

Un précédent qui interpelle

Dans la nuit du 10 au 11 septembre dernier, le Muséum national d’histoire naturelle de Paris a été frappé. Préjudice estimé à environ 600 000 euros. Le scénario évoquait lui aussi une action parfaitement préparée. Dans cette affaire, l’un des auteurs présumés a été interpellé en Espagne et est en attente d’extradition vers la France.

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