Samedi vers 19 h 30, des passagers poignardés dans un train LNER immobilisé à Huntingdon, près de Cambridge. L’incident a été déclaré « majeur » par les autorités et deux personnes ont été interpellées avant que l’une d’entre elles ne soit mise hors de cause. À ce stade de l’enquête, les enquêteurs écartent la piste terroriste. Dans ce nouveau drame, dix personnes ont été hospitalisées, dont deux en urgence vitale.
Ce que l’on sait de cette attaque
L’attaque a eu lieu à bord d’un train Peterborough – Londres, dérouté vers Huntingdon. La police des transports évoque un suspect de 32 ans de nationalité britannique arrêté pour tentative de meurtre et a saisi un couteau. Selon les premières informations, un membre d’équipage a été grièvement blessé en s’interposant face à l’agresseur, limitant ainsi le nombre des victimes. Le temps d’intervention des forces de l’ordre a été inférieur à dix minutes.
France–Royaume-Uni : faut-il comparer ?
La tentation de comparer la France et le Royaume-Uni, en matière d’attaque au couteau, est grande, mais reste difficile. En effet, côté britannique, l’Angleterre et le pays de Galles disposent d’un indicateur régulier des « offences involving a knife or sharp instrument », publié par l’Office for National Statistics (ONS).
Toutefois, côté français, il n’existe pas de série publique équivalente, car l’outil statistique officiel du SSMSI (Service statistique ministériel de la sécurité intérieure) suit les homicides, tentatives, vols avec armes ou coups et blessures, sans isoler systématiquement l’« arme blanche » au niveau national. Par conséquent, nous ne disposons pas de résultat fiable, mais uniquement de faisceaux d’indicateurs.
Les ordres de grandeur 2024-2025
Selon un chiffre communiqué par la Police nationale à TF1-LCI, 10 397 attaques au couteau auraient été recensées en France en 2024. Ce volume n’est pas un indicateur SSMSI récurrent, mais une extraction du ministère de l’Intérieur partagée à la presse. Si ce chiffre est intéressant, il ne s’appuie toutefois pas sur une méthodologie statistique documentée. En Angleterre et au pays de Galles, l’ONS fait état de 53 047 infractions impliquant une « lame » pour l’année close en mars 2025 (-1 % sur un an). La House of Commons Library publie, sous un périmètre excluant Greater Manchester, une estimation d’environ 49 600 faits.
Ce que montrent les tendances britanniques
Selon l’ONS, les infractions impliquant des couteaux ou objets tranchants reculent légèrement après un plateau élevé post-Covid, tandis que les homicides diminuent à 535 sur la même période. Le débat public s’appuie sur des séries fines avec des répartitions géographiques, la part des objets tranchants dans les homicides et aussi la dynamique des vols « knife-enabled ». Ce socle statistique permet d’éclairer les politiques de prévention, de contrôle du port illégal, mais également de ciblage local, et ce, bien davantage qu’une suite de faits divers.
Ce que la France mesure autrement
En France, l’appareil public suit précisément l’évolution des homicides et tentatives, ou des coups et blessures, mais la catégorie « couteau ou lame » n’est pas publiée de façon standardisée. D’où l’intérêt du chiffre de 10 397. Ce chiffre comporte toutefois une limite, puisqu’il est impossible de mesurer finement les menaces, les blessures et autres homicides ou tentatives à l’aide d’un objet tranchant.
Cambridge, révélateur plutôt qu’exception
Une attaque de ce type dans un train choque bien naturellement par sa densité de temps et de lieu. Pourtant, le fond statistique britannique met en lumière une réalité brutale : les infractions à l’aide d’un objet tranchant s’y maintiennent à un niveau qui reste préoccupant, même si une légère baisse est observée. 53 000 faits par an, c’est considérable en volume absolu, avec ou sans comparaison.
En France, l’arme blanche irrigue des contentieux variés, sans indicateur national dédié, et ce sont les événements dramatiques qui attirent l’attention. D’où la nécessité d’avoir un outil statistique fiable afin de contrôler et essayer d’endiguer ce type de phénomène.
Prévenir et réagir : des leviers concrets
En Europe, les réponses efficaces combinent restrictions ciblées (vente, port), contrôles autour des transports, travail scolaire et social sur les risques, et sanctions graduées contre le port illégal.
Le Royaume-Uni documente jusqu’aux admissions hospitalières, ce qui améliore le calibrage local. La France tirerait profit de la publication régulière d’un indicateur « arme blanche », ventilé selon les circonstances (conflits familiaux, bagarres, cambriolages), les régions géographiques et la gravité des incidents. La mesure a toujours été un outil d’action pour les forces de l’ordre.
Ce qu’il faut regarder maintenant
L’enquête britannique précisera les ressorts du passage à l’acte et l’éventuelle présence d’antécédents. Elle jugera aussi de la chaîne d’alerte à bord. À nous, côté français, d’améliorer la visibilité statistique de l’« arme blanche » pour que le débat public sorte de l’alternance entre sidération et oubli. Compter mieux, c’est prévenir plus tôt.
								
								
															






