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Sécurité & psychiatrie : l’équilibre cassant

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Quand la psy craque, tout le reste vacille. Derrière chaque lit fermé, chaque rendez-vous qui saute, une crise déborde. Dans la rue, à l’école, à la maison. Le « désordre » n’est pas qu’une histoire de police, mais naît aussi de notre incapacité, très simple et très concrète, à soigner.

La porte d’entrée qui coince

Les CMP — centres médico-psychologiques — devraient être ce point d’appui où l’on atterrit sans s’écraser. Dans la réalité, ça bouchonne. On sonne, on attend, on s’épuise et, souvent on renonce. Par conséquent, direction les urgences, dernier refuge d’un système sous perfusion. Tout le monde le sait, tout le monde s’y cogne et l’attente broie.

Le grand rabot des lits

On a vendu la « modernisation » : moins d’hospitalisations complètes et plus d’ambulatoires. Sur le papier, c’est élégant et ça rassure les budgets. Dans la vie réelle, c’est rugueux. Au milieu des années 1990, il y avait environ 72 000 lits en psychiatrie ; fin 2023, la Cour des comptes en recensait 50 800. Pendant que la demande grimpe, les familles sont à bout, les patients ballottés parce qu’une logique comptable percute de plein fouet l’urgence humaine.

Le gouffre des 18 ans

La fracture est silencieuse, mais d’une extrême brutalité avec le passage de l’adolescence à l’âge adulte. À 17 ans, il y a un suivi pédiatrique. À 18 ans, les relais manquent ou bien ils arrivent trop tard. Le parcours se casse de manière nette. Les jeunes décrochent, se perdent dans l’attente et basculent ailleurs. On sait depuis longtemps que l’adolescence est une zone de turbulences en santé mentale. La continuité devrait être un réflexe. Dans les faits, c’est trop souvent un mirage.

De l’intime au public

Le bilan est tristement simple, moins de lits, plus d’ambulatoires et des CMP saturés. Une crise mal prise en charge finit par toujours déborder dans une classe, sur un trottoir ou bien encore au guichet d’un service public, et trop souvent sous forme d’agressions, verbales ou physiques.

La mèche est allumée

La psychiatrie n’est pas un sous-dossier de la santé. C’est un sujet de sécurité nationale. Chaque renoncement — un lit en moins, un budget raboté, un relais absent creuse une faille dans l’ordre collectif. On peut gratter des crédits, réorganiser des schémas, empiler des plans, mais au bout de la chaîne, il n’y a que deux options : soit on soigne, soit on gère les dégâts.

Il est temps d’arrêter de traiter la psy comme un coût à optimiser. La psy, c’est un pare-chocs social. Quand il est fendu, c’est tout l’avant du véhicule qui s’écrase. On sait quoi faire : remettre de la capacité, garantir la continuité, surtout à 18 ans, redonner de la proximité aux CMP, sécuriser les parcours. Ce n’est pas du luxe. C’est le prix d’une sérénité collective. Sinon, la bombe reste armée. Et le tic-tac ne s’arrête pas.

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