Depuis plus de quarante ans, ils sont partout et nulle part. Omniprésents dans les rues, tapis dans l’ombre des administrations, infiltrés jusqu’aux universités. Leur visage change, mais leur fonction reste. Les Basij sont devenus l’un des instruments les plus efficaces de la répression iranienne. Une milice civile, au service exclusif du pouvoir, dont la brutalité tranche avec le silence qui l’entoure.
Une armée de l’ombre, née des cendres de la révolution
Quand l’Ayatollah Khomeini décrète en 1979 la création du Basij, l’Iran bascule. Officiellement, il s’agit de défendre la Révolution islamique, de mobiliser la population contre les ennemis du nouveau régime. Très vite, la milice va dépasser ce rôle initial. Elle s’enracine et s’organise.
Adossés aux Gardiens de la Révolution, les Basijis deviennent la cheville ouvrière du contrôle social. L’appareil d’État ne les intègre pas. Il les laisse flotter à la lisière, en zone grise, libres de méthodes, mais solidement arrimés au pouvoir central.
Le bras armé de la répression quotidienne
Le cœur de leur mission s’est durci au fil des décennies. Le Basij surveille, intimide et frappe avec une férocité sans nom. Lorsque les premières manifestations éclatent en 2009, au lendemain d’une élection présidentielle contestée, leur rôle apparaît au grand jour. Massés dans les rues de Téhéran, casqués, armés de matraques et parfois de fusils, les Basijis matent la révolte dans le sang.
Mais leur action ne se limite pas à l’espace public. Les témoignages affluent, racontant les descentes nocturnes, les arrestations arbitraires, les passages à tabac dans des centres de détention informels. Les Basij ne rendent de comptes à personne, si ce n’est à leurs chefs au sein des Pasdarans.
Un réseau infiltré au cœur de la société
L’efficacité diabolique du Basij réside dans sa structure même. Ce n’est pas une armée classique, car la clandestinité est leur arme absolue. Ses membres ne sont pas cantonnés dans des casernes. Ils vivent parmi les civils, souvent anonymes, parfois voisins ou collègues de travail.
Dans les écoles, ils contrôlent les enseignants. Dans les universités, ils surveillent les étudiants. Dans les administrations, ils pistent les fonctionnaires jugés déviants. Leur légitimité découle de cette proximité glaçante. Nul ne sait réellement qui en fait partie. Le doute suffit à neutraliser la contestation.
Une violence sans limites face aux révoltes
Au fil des soulèvements, la brutalité des Basijis s’est encore affirmée. En 2017, puis en 2019, lors des manifestations contre la vie chère, ils frappent vite et très fortement les manifestants. Les chiffres des victimes restent flous, mais les vidéos clandestines qui filtrent dévoilent une férocité méthodique.
Le paroxysme est atteint en 2022 après la mort de Mahsa Amini. Là encore, les Basij interviennent en première ligne. Des jeunes femmes battues dans la rue, des manifestants pourchassés, des arrestations massives. L’appareil répressif se déploie avec une brutalité mécanique. Chaque contestation devient le théâtre d’une répression immédiate et sans concessions.
Un outil central du contrôle politique
Le Basij est bien plus qu’une simple milice. Il incarne la logique même du régime iranien à savoir dissuader par la peur, étouffer la critique avant qu’elle ne prenne corps, rappeler à chacun qu’aucun espace n’est totalement libre.
L’existence même du Basij envoie un message constant à la population : il n’y a pas de terrain d’expression, de neutralité et encore moins de liberté. La dissidence n’est pas seulement combattue ; elle est traquée, isolée et brisée.
L’instrument silencieux d’une terreur assumée
Le pouvoir iranien n’a jamais cherché à dissimuler l’existence du Basij, bien au contraire. Leur visibilité est un outil psychologique. Leur omniprésence alimente une insécurité permanente contre celles et ceux qui chercheraient à se dresser contre le pouvoir.
Dans ce système, la violence n’est pas un accident. Elle est au contraire l’architecture même du contrôle social. Et, les Basij en sont les exécutants zélés. Derrière leurs visages souvent jeunes se dissimule une mécanique de peur qui écrase lentement, méthodiquement, toute velléité de contestation.