Tandis que le monde a les yeux rivés sur les missiles et les drones qui s’échangent entre Israël et l’Iran, une autre partie de la bataille pourrait déjà se jouer ailleurs. Moins visible. Plus insidieuse. Loin des radars militaires, Téhéran dispose d’une arme redoutable, patiemment affûtée depuis des décennies : le terrorisme d’État.
Une stratégie ancienne, toujours active
L’Iran n’a pas inventé le terrorisme. Mais il l’a intégré très tôt à son appareil de politique étrangère. Depuis 1979, la République islamique manie cette arme avec une constance froide. Pas par idéologie uniquement, mais par nécessité stratégique. Faute de puissance militaire conventionnelle équivalente à celle de ses ennemis, le pouvoir iranien a bâti un réseau d’acteurs armés capables de frapper loin de ses frontières, sans engager directement son armée.
Contrairement aux groupes terroristes isolés, l’Iran bénéficie d’atouts d’État. Ses diplomates, ses services de renseignement, ses circuits financiers et ses réseaux clandestins lui permettent de planifier des opérations complexes. Ces actions peuvent viser des cibles symboliques ou tactiques, sur plusieurs continents.
Les proxys, bras armés de la politique iranienne
Au cœur de cette mécanique bien huilée, la Force Qods. Cette unité des Gardiens de la Révolution orchestre la projection extérieure de l’influence iranienne. Sous son commandement, plusieurs groupes armés ont émergé et prospéré. Le Hezbollah au Liban, étroitement lié à Téhéran depuis sa création. Le Hamas, dont l’aile militaire reçoit un soutien fluctuant mais constant. Les Houthis au Yémen, qui se sont imposés comme une force déstabilisatrice soutenue et armée par l’Iran.
Chacun de ces groupes est devenu une extension du bras de Téhéran. Ils offrent à l’Iran la capacité de frapper sans apparaître. D’agir dans l’ambiguïté. De déstabiliser ses rivaux tout en niant son implication directe. Une méthode éprouvée, qui confère à la République islamique une latitude précieuse dans un environnement international où la responsabilité directe d’un État entraîne des conséquences diplomatiques lourdes.
Les précédents, une histoire écrite dans le sang
L’histoire récente le rappelle. Dans les années 1985 et 1986, Paris devient la cible d’une vague d’attentats. Derrière ces attaques, des réseaux pro-iraniens liés au Hezbollah, opérant avec la bienveillance tacite de Téhéran. Des dizaines de morts. Des centaines de blessés. Une France sidérée par la violence de ces frappes sur son sol.
En 2018, le scénario manque de se répéter. Une tentative d’attentat visant un rassemblement d’opposants iraniens à Villepinte est déjouée de justesse. Cette fois, l’opération est directement reliée à un diplomate iranien en poste en Autriche, condamné par la justice pour son rôle dans la planification de l’attentat.
Mais c’est en Argentine que les opérations les plus meurtrières se déroulent. En 1992, l’ambassade d’Israël à Buenos Aires est visée. Deux ans plus tard, en 1994, c’est l’Association mutuelle israélite argentine qui est frappée. Le bilan est lourd. Les enquêtes désignent le Hezbollah comme principal exécutant, avec le soutien logistique de la Force Qods. La signature iranienne apparaît, à peine voilée.
Un risque plus réel que jamais
Aujourd’hui, alors que les tensions régionales atteignent des niveaux critiques, la possibilité de voir ces modes opératoires réactivés n’a rien d’une spéculation hasardeuse. Au contraire, elle s’inscrit dans la logique même de la doctrine iranienne. Téhéran sait que l’affrontement direct avec Israël comporte des risques existentiels. Mais la guerre indirecte, asymétrique, celle des ombres, lui offre un terrain plus familier.
Activer ses proxies. Stimuler la création de nouveaux groupuscules. Mobiliser ses relais clandestins en Europe, en Amérique latine, en Afrique. Tout cela fait partie du jeu stratégique que la République islamique maîtrise depuis longtemps.
L’histoire le démontre. Le présent l’encourage. L’avenir pourrait le confirmer.