Dans l’univers opaque des oppositions iraniennes, un nom revient régulièrement, à la fois redouté par Téhéran et controversé en Occident : le MEK, ou Moudjahidines du Peuple d’Iran. Fondé dans les années 1960, ce mouvement politico-militaire occupe depuis des décennies une place singulière dans le paysage complexe des forces opposées à la République islamique.

Loin d’être un simple groupe d’opposants en exil, le MEK est devenu, au fil du temps, une organisation structurée, disciplinée et dotée d’une stratégie globale.

Une naissance au cœur des convulsions iraniennes

Le MEK voit le jour en 1965, sous le régime du Shah. Ses fondateurs, jeunes intellectuels issus pour beaucoup d’universités iraniennes, mêlent alors islamisme chiite, marxisme et nationalisme anti-impérialiste. Le groupe combat d’abord la monarchie, dénonçant la répression, la dépendance aux États-Unis et les inégalités sociales croissantes.

Durant les années 1970, le MEK passe rapidement de la contestation politique à l’action armée. Attentats, sabotages, affrontements directs avec les forces du Shah rythment ses premières années d’existence. Dans ce contexte, plusieurs de ses dirigeants sont alors exécutés et d’autres emprisonnés.

Mais lorsque la révolution éclate en 1979, renversant la monarchie, le MEK espère trouver sa place dans la nouvelle République islamique naissante.

La rupture brutale avec Khomeiny

Très vite, la désillusion s’installe au sein du MEK. L’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeiny marginalise le mouvement. Les divergences idéologiques et stratégiques sont très profondes, car le régime ne tolère aucun contre-pouvoir. Le bras de fer tourne rapidement à l’affrontement sanglant.

En 1981, après plusieurs mois de tension, le MEK organise une série d’attentats majeurs visant les plus hautes sphères du pouvoir islamique. Les représailles du régime sont d’une extrême brutalité. Des milliers de militants et de sympathisants sont arrêtés, torturés ou exécutés. Le MEK est alors contraint à l’exil.

L’exil et l’alliance avec Saddam Hussein

Rejeté hors d’Iran, le mouvement trouve un appui inattendu au travers de celui de Saddam Hussein, l’ennemi juré de la République islamique. Installé en Irak, dans le camp d’Ashraf, à une soixantaine de kilomètres de Bagdad, le MEK bénéficie du soutien logistique et militaire du régime irakien.

Durant la guerre Iran-Irak (1980-1988), les combattants du MEK participent aux opérations militaires contre les forces iraniennes, alimentant une rancœur durable de la population iranienne à leur encontre. Cet épisode reste aujourd’hui l’une des critiques les plus lourdes formulées contre le mouvement.

Un réseau en exil

Après la chute de Saddam Hussein en 2003, le MEK perd sa principale base arrière. Les combattants sont désarmés par les forces américaines. Progressivement, le mouvement se réorganise, déplaçant ses membres d’Ashraf vers le camp de Liberty, toujours en Irak, puis finalement vers l’Albanie, où plusieurs milliers de ses militants résident aujourd’hui sous protection internationale.

En parallèle, le MEK développe une intense activité diplomatique et médiatique. Ses représentants sillonnent les capitales occidentales, rencontrent parlementaires et responsables politiques, dénonçant la répression du régime iranien et s’affichant comme alternative crédible à la République islamique.

Aux États-Unis et en Europe, plusieurs personnalités politiques, de bords variés, ont publiquement apporté leur soutien au MEK, qui se présente désormais comme un mouvement démocratique, laïque et favorable à l’instauration d’une république parlementaire en Iran.

Organisation interne et critiques récurrentes

Le MEK est dirigé par Maryam Radjavi, figure charismatique qui incarne la transition opérée par le mouvement vers une structure plus politique que militaire. Le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), vitrine politique du MEK, promeut un programme de transition démocratique en dix points.

Mais cette image n’échappe pas aux controverses. De nombreux anciens membres et observateurs accusent l’organisation de fonctionnement sectaire et notamment de contrôle strict de la vie des membres, discipline interne rigide, culte de la personnalité autour des dirigeants.

L’Iran, de son côté, considère toujours le MEK comme une organisation terroriste et continue de viser ses membres à l’étranger. Plusieurs cellules de renseignement iraniennes ont été accusées de comploter contre le MEK en Europe.

Un adversaire toujours central dans le viseur de Téhéran

Pour la République islamique, le MEK demeure une obsession sécuritaire. Téhéran est accusé régulièrement d’organiser des attentats et d’espionner l’opposition iranienne en exil.

Dans le grand échiquier des tensions autour de l’Iran, le MEK représente un élément perturbateur que le régime cherche à neutraliser à tout prix. Ses réseaux, ses soutiens et sa capacité médiatique en font un acteur qui, sans disposer d’une base populaire significative à l’intérieur du pays, continue pourtant de perturber la stratégie des Mollahs.