L’information n’a jamais circulé aussi vite, ni été aussi éphémère. À mesure que les événements se succèdent, chacun chasse le précédent, transformant la tragédie en simple marchandise jetable. Dans ce cycle effréné, la mémoire collective s’effrite, emportée par le flot ininterrompu du spectaculaire.

De la tragédie à l’oubli en quelques jours

Le 7 octobre, les attentats perpétrés par le Hamas en Israël ont bouleversé le monde. Pendant quelques jours, l’opinion publique s’est figée devant l’horreur. Puis est venue la riposte d’Israël dans la bande de Gaza, reléguant les victimes israéliennes à l’arrière-plan. Bientôt, un autre drame d’ampleur internationale viendra effacer, à son tour, les souffrances des Palestiniens et des Israéliens.

L’information contemporaine est ainsi faite : chaque émotion forte chasse la précédente, chaque indignation est remplacée par une autre. Ce phénomène n’est pas accidentel, il est devenu la règle.

Une société assoiffée de sensationnel

Pour capter l’attention, les médias doivent désormais frapper fort. L’information doit être dramatique, spectaculaire, chargée d’émotions brutes. Car dans une économie de l’attention mondialisée, plus un contenu suscite de réactions, plus il est partagé, commenté, consommé.

Notre société s’est transformée en une immense scène, où les malheurs du monde sont consommés avec une avidité parfois glaçante. Plus l’histoire est choquante, plus elle s’ancre dans les esprits. Aristote l’avait déjà pressenti : ce sont les informations portées par l’émotion la plus vive qui marquent durablement.

Les oubliés du vacarme médiatique

Pendant ce temps, d’autres réalités sombrent dans l’indifférence. Les Restos du Cœur, qui annoncent devoir refuser cet hiver l’aide à des milliers de familles, ne suscitent qu’un écho lointain. Les jeunes entrepreneurs, moteurs discrets de l’économie, peinent à franchir les portes des journaux télévisés.

Le sensationnalisme a ses règles, implacables. Il faut de la peur, de la colère, de la division. Et idéalement, des responsables à montrer du doigt. Ce cocktail émotionnel, parfois alimenté par les déclarations martiales de responsables politiques, forge une opinion publique rapide, tranchée, et souvent captive de ses propres certitudes.

Une course sans fin

Dans cette spirale, l’information n’est plus un outil de compréhension, mais un produit consommé et aussitôt oublié. Chaque crise médiatique en chasse une autre, sans laisser le temps nécessaire à la réflexion.

Il ne s’agit plus d’informer, mais de captiver. Pas de transmettre, mais de retenir. Une logique qui, si elle persiste, condamne à vivre dans une société au souffle court, où l’essentiel cède toujours devant l’instant.