Entretien avec Jean-Jacques RICHARD

  • Publié le 11 septembre 2022

Les Insights de l'Eco

Les Insights de l’Eco

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1.     Comment vous définissez-vous ; diriez-vous que vous êtes un profil atypique ?

Je suis convaincu depuis toujours que nous sommes uniques alors que beaucoup souhaitent nous mettre dans de petites cases. Alors oui, je suis atypique, car je ne veux pas que l’on puisse me classer dans une catégorie ou une autre. Être atypique c’est être curieux et se placer dans un apprentissage permanent. Ne pouvant être classés, les atypiques sont trop souvent regardés avec de gros yeux par les recruteurs alors qu’ils constituent ce grain de folie intellectuelle dont toutes les entreprises ont besoin.

 2.     Sécurité,  management,  leadership,  journalisme,…  Vous  touchez  à  tout ; curieux et passionné de tout est-ce ce qui vous caractérise ?

La curiosité est selon moi l’essence même de la vie, car je sais depuis bien longtemps que mon passage sur terre prendra fin un jour ou l’autre. De ce fait, je vis chaque jour comme si c’était le dernier, et ce en ne me fixant aucune limite intellectuelle. J’ai effectivement plusieurs cordes à mon arc, mais croyez-moi, j’ai travaillé dur pour cela et je travaille encore avec acharnement pour apprendre. Vous avez cité la sécurité, le management, le leadership, le journalisme, etc. Je ne me suis jamais dit que j’allais empiler les activités, c’est uniquement la passion qui me pousse à le faire. Enfin, je suis bien certain que vos lecteurs détecteront le fil rouge qui unit toutes ces activités.

 3.     Dans le cadre de vos activités actuelles, vous assurez des missions de conseil auprès de dirigeant(e)s ; quels sont les challenges auxquels vous faites face dans ce cadre ?

Mes challenges reposent sur deux piliers que sont l’écoute et l’honnêteté. Un dirigeant est un solitaire, et cela même s’il est bien entouré. Ma toute première action est d’écouter et de placer le dirigeant dans une posture d’ouverture pour qu’il puisse me faire part de ses succès, de ses échecs, mais surtout de ses doutes ou interrogations. Comme le dit l’adage, un conseiller n’est jamais le payeur. Ainsi, je n’ai jamais la prétention d’apprendre son métier à un dirigeant que je conseille, car dans la plupart des cas, je ne connais pas son activité. En revanche, j’ai de bonnes notions en stratégie et dans le fonctionnement d’une entreprise et de ses interactions avec son environnement. Enfin, je dirai que le plus important est l’honnêteté : si c’est noir, c’est noir et si c’est blanc, c’est blanc. Et je me refuse d’utiliser la couleur grise pour séduire ou encore transformer un dirigeant en vache à lait.

 4.     D’après vous, quels sont vos atouts pour délivrer des services satisfaisants aux personnes que vous accompagnez en tant que conseil ?

Mon expérience, bien entendu. Mais surtout ma capacité à avoir toujours navigué en dehors du cadre. Un autre de mes atouts est ma franchise. Je n’accompagne pas des dirigeants pour leur plaire et leur dire ce qu’ils veulent entendre, mais pour être efficace.

 5.     Les dirigeant(e)s et les managers peinent à élaborer des stratégies fiables dans le contexte actuel marqué par des crises multiformes ; diriez-vous que la stabilité est le défi majeur actuel ? Si oui quelles pistes proposez-vous pour relever ce défi ? Si non, d’après vous, quel est le défi majeur actuel ?

Une stratégie est toujours à géométrie variable, car un élément qui bouge dans votre environnement peut rendre complètement caduque la stratégie imaginée. Et nous sommes servis en la matière depuis plus de deux ans… Le défi de toutes les entreprises est d’avoir cette capacité à s’adapter rapidement aux environnements qu’elles rencontrent. Analyser les risques qui pèsent sur l’entreprise est incontournable et en fonction de la criticité (probabilité X gravité) des risques identifiés, il est nécessaire d’élaborer des plans ad hoc : plan de crise, plan de continuité d’activité et plan de reprise d’activité…

 6.     D’après vous, la cybersécurité est-elle l’un des enjeux majeurs de notre époque lorsqu’on prend en considération la géopolitique d’internet avec le concept d’anomie tel que théorisé par Emile Durkheim et revisité par Bertrand Badie ?

Il est très probable que la prochaine pandémie que nous aurons à connaître sera informatique. Alors, oui, la cybersécurité est un sujet hautement stratégique pour toutes les entreprises, et ce quelque soit leur taille.

 7.     Dans un entretien mené il y a quelques mois (avril 2022) par Hichem Ben Yaiche, évoquant l’état actuel des relations internationales, Tidjane Thiam déclarait, que le soft power peut « ralentir, voir arrêter l’avancée des divisions dans le monde. Partagez-vous ce point de vue ?

Bien entendu que le soft power est une clef pour « attendrir » certaines relations. Toutefois, je ne pense absolument pas, hélas, que sa seule mise en œuvre puisse « ralentir, voir arrêter l’avancée des divisions dans le monde ». Et croyez-moi, j’aimerais bien qu’il en soit ainsi, mais certains dirigeants se placeront toujours dans un rapport de force avec l’autre. Soft power et harder power sont selon moi indissociables.

 8.     Mary Elizabeth Truss, présentée comme « l’actuelle Thatcher », l’actuelle Secrétaire d’État aux Affaires Etrangères du Commonwealth et du Développement du Royaume Uni est celle qui succède à Boris Johnson ; que pensez-vous de cette passation et plus globalement de l’exercice du pouvoir par les femmes ?

S’agissant des femmes qui occupent des postes de pouvoir, je n’ai pas de réponse, pas plus que j’en aurais pour des hommes ou femmes noirs, asiatiques, etc. Le sexe et la couleur de peau d’un dirigeant sont pour moi des non-sujets.

 9.     Les circonstances qui entourent le départ de Boris Jonson relance la controverse autour des questions d’éthique, de gouvernance et de leadership ; qu’en pensez-vous ?

Il n’y a selon moi aucun débat concernant l’éthique dont la définition est extrêmement claire : « ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu’un ». Ma seule certitude est qu’il est impossible de gouverner et encore moins de faire preuve de leadership si nous ne connaissons pas et n’appliquons pas au pied de la lettre cette définition. Hélas, l’éthique semble être une clef de voûte que beaucoup trop de dirigeants négligent ostensiblement…

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 En conclusion, je dirai qu’il n’a échappé à personne que le monde bougeait à une vitesse faramineuse entraînant dans son sillage certains bouleversements que nous aurions difficilement pu imaginer en 2019. Diriger c’est prévoir. Dans ces temps incertains, il est plus que jamais nécessaire de se poser les bonnes questions, mais aussi de trouver les bonnes réponses…