Depuis sa mise en service en 2011, le Dôme de fer est devenu le symbole même de la capacité d’Israël à se défendre face aux menaces balistiques de son environnement régional. Salué pour son efficacité, il incarne à la fois l’innovation militaire israélienne et les limites inhérentes à toute défense antimissile. Avec l’opération Rising Lion désormais engagée depuis le 13 juin contre l’Iran, ce bouclier stratégique se retrouve au cœur d’une équation plus complexe et incertaine.

Un système né de la contrainte sécuritaire

Israël n’a jamais eu le luxe de l’insouciance stratégique. Les menaces qui pèsent sur ses villes et ses infrastructures ont toujours été immédiates et multiformes. C’est dans ce contexte que le Dôme de fer a été développé, afin de répondre à une problématique concrète à savoir la défense contre les roquettes de courte et moyenne portée tirées depuis Gaza par le Hamas, le Liban par le Hezbollah ou depuis Sinaï.

Développé par Rafael Advanced Defense Systems, avec un soutien financier très important des États-Unis, le système repose sur un radar performant, un centre de calcul qui détermine la trajectoire de chaque projectile, et des intercepteurs Tamir capables de détruire en vol les roquettes jugées menaçantes pour les zones habitées.

Dans ses premières années d’exploitation, le Dôme de fer a démontré un taux d’interception de 85 à 90 %, un chiffre qui a parfois dépassé les 95 % dans certaines situations opérationnelles.

Un bouclier éprouvé mais pas invulnérable

L’efficacité du Dôme de fer a profondément modifié la gestion politique et militaire des crises. Chaque salve de roquettes, qui autrefois aurait pu paralyser tout le pays, est désormais absorbée sans provoquer de panique généralisée. La résilience psychologique de la population israélienne s’en est trouvée considérablement renforcée.

Mais le système n’est pas totalement hermétique pour les raisons suivantes :

Tout d’abord parce qu’il repose sur une logique de saturation. En effet, plus le nombre de projectiles simultanés augmente, plus la probabilité d’une surcharge du système devient tangible. Lors des conflits récents à Gaza, les groupes armés palestiniens ont cherché à submerger le Dôme de fer en multipliant les tirs coordonnés. Le Hezbollah, avec son arsenal bien plus conséquent et sophistiqué, représente à cet égard un défi d’une tout autre ampleur.

Ensuite, parce que le Dôme de fer n’est pas conçu pour intercepter des missiles balistiques de longue portée ni les drones suicides de nouvelle génération. Face à des menaces plus lourdes et complexes, d’autres couches de défense doivent entrer en jeu, comme le système David’s Sling ou les intercepteurs Arrow.

Rising lion : un nouveau test grandeur nature

Avec le déclenchement de l’opération Rising Lion et les frappes israéliennes contre les infrastructures nucléaires iraniennes, la nature de la menace change de registre. L’Iran, directement ciblé, dispose de ses propres moyens de rétorsion. Surtout, si l’Iran active l’ensemble de ses proxies régionaux, capables de mener des frappes indirectes et coordonnées contre Israël.

Dans ce contexte, le Dôme de fer joue un rôle central, mais pas isolé. Son efficacité face aux salves de roquettes du Hezbollah, aux missiles de croisière iraniens et aux drones explosifs des Houthis sera scrutée de près. La profondeur et la simultanéité des attaques deviennent désormais des variables critiques.

Le scénario redouté par les stratèges israéliens reste celui d’une attaque combinée comme des roquettes  tirées en masse depuis le Liban, des missiles plus lourds tirés de Syrie ou d’Irak, des drones saturant les défenses, pendant qu’en arrière-plan les capacités balistiques iraniennes se mobilisent.

Dans une telle configuration, même un système aussi performant que le Dôme de fer pourrait se retrouver débordé et par conséquent incapable de tout intercepter.

La course permanente à l’adaptation

Israël le sait plus que quiconque que la supériorité technologique en matière de défense n’est jamais acquise. Depuis plusieurs années, Rafael et les forces de défense israéliennes multiplient les efforts pour moderniser le système. Des intercepteurs plus rapides, des algorithmes d’analyse améliorés, et surtout, l’intégration de lasers de haute énergie sont en cours de développement.

L’objectif est clair et notamment celui de réduire les coûts prohibitifs des intercepteurs actuels et augmenter la capacité de tir face à une saturation massive. En effet, chaque missile Tamir coûte environ 40 000 à 50 000 dollars, quand les roquettes adverses valent parfois quelques centaines de dollars seulement.

La course est désormais asymétrique, autant sur le plan technologique que financier.

Un bouclier psychologique autant que militaire

Au-delà des aspects purement tactiques, le Dôme de fer possède une dimension symbolique forte. Il offre à Israël un espace politique et opérationnel précieux qui est celui de pouvoir mener des opérations offensives sans exposer sa population à un risque immédiat d’anéantissement.

Mais ce confort apparent pourrait s’éroder si les adversaires de l’État hébreu parviennent à franchir ce mur protecteur. L’opération Rising Lion ouvre ainsi une séquence où la résilience du Dôme de fer sera testée dans des conditions sans doute inédites.

La technologie protège. Mais elle n’annule jamais le risque. Surtout lorsque la guerre devient régionale et que les menaces se multiplient, simultanément et sur plusieurs fronts.