Dans les ruelles étroites de Naples, derrière les façades décrépies et la vie grouillante, la Camorra prospère depuis des siècles. Contrairement à d’autres organisations mafieuses centralisées, elle s’impose par sa fluidité, son éclatement et sa capacité d’adaptation permanente aux soubresauts de l’histoire.

Une genèse au cœur des failles sociales

La Camorra ne naît pas d’une idéologie politique ni d’une ambition militaire. Elle émerge au XVIIIᵉ siècle dans les prisons napolitaines, puis se répand dans la société civile. À l’origine, elle n’est qu’un réseau de protection, de racket et de trafic, profitant de l’absence d’État fort pour asseoir sa domination sur les populations locales.

Son modèle d’organisation, sans véritable hiérarchie centrale, la distingue des autres mafias italiennes. Chaque clan exerce son influence sur un territoire restreint, tout en se livrant à des alliances éphémères ou à des guerres sanglantes selon les intérêts du moment.

Une économie parallèle tentaculaire

La force de la Camorra réside dans sa capacité à pénétrer tous les secteurs de l’économie locale. Trafic de drogue, contrefaçon, extorsion, gestion illégale des déchets, BTP : elle investit autant les activités illégales que les secteurs légaux, brouillant habilement les frontières entre les deux mondes.

À Naples et dans sa région, l’économie camorriste infiltre chaque interstice de la vie quotidienne. De nombreux commerces paient une taxe de protection. Certaines entreprises dépendent directement de capitaux criminels. Le tissu social lui-même, gangrené par la pauvreté et le chômage, offre un terreau fertile à son enracinement.

Une violence brutale et ostentatoire

À la différence d’autres mafias privilégiant la discrétion, la Camorra n’hésite pas à recourir à une violence visible, presque théâtrale. Guerres de clans, assassinats en pleine rue, règlements de comptes sanglants sont fréquents, notamment dans les quartiers populaires de Naples.

Cette brutalité, loin de nuire à sa survie, renforce paradoxalement son emprise : elle instaure une peur viscérale qui décourage la dénonciation et paralyse toute tentative de rébellion sociale durable.

Une mutation permanente face aux défis

Depuis les années 2000, les autorités italiennes ont porté des coups sévères à la Camorra, arrêtant de nombreux chefs de clans et confisquant des millions d’euros de biens mal acquis. Pourtant, l’organisation montre une capacité remarquable à se régénérer.

De nouvelles générations émergent, plus discrètes, mieux formées, prêtes à investir les nouvelles frontières de la criminalité internationale, notamment le trafic de cocaïne avec l’Amérique latine. La Camorra ne se contente plus de régner sur Naples : elle ambitionne désormais d’inscrire son influence sur la scène mondiale.