L’entrisme est une technique d’influence aussi ancienne qu’efficace, pourtant peu étudiée dans ses manifestations contemporaines. Jadis cantonné aux cercles politiques, syndicaux ou économiques, il s’est désormais installé dans chaque recoin de notre quotidien, modelant opinions et structures avec une redoutable discrétion.
Une pratique historique devenue universelle
Dans les années 1940, les militants trotskistes s’illustrèrent par leur capacité à infiltrer le Parti Communiste Français, influençant profondément ses orientations politiques. Cette stratégie, d’apparence subalterne, démontra qu’en entrant sans bruit dans une organisation, il était possible de la transformer de l’intérieur.
Aujourd’hui, l’entrisme ne se limite plus aux partis politiques. Les salafistes, par exemple, ont depuis longtemps compris l’efficacité de cette méthode pour diffuser leur idéologie dans certaines communautés, en se fondant dans la masse sans afficher d’emblée leurs convictions radicales.
La politique contemporaine n’échappe pas à cette dynamique. À droite comme à gauche, l’entrisme est devenu un sport pratiqué par de petits groupes capables de faire basculer de vastes structures vers de nouvelles orientations, parfois à l’insu même de leurs membres historiques.
Trois visages de l’entrisme moderne
La première forme d’entrisme est classique. Un individu ou un groupe pénètre un parti, une entreprise ou une communauté religieuse avec un but précis : orienter, déstabiliser ou transformer de l’intérieur. Le pouvoir et l’argent sont souvent les moteurs de ces manœuvres, portées par le mensonge et la manipulation assumés.
La deuxième forme est plus insidieuse : l’entrisme militant. Ici, il n’est plus question de pouvoir économique ou politique, mais de conviction personnelle. Certains journalistes, militants associatifs ou membres d’ONG cèdent à la tentation d’utiliser leur position pour diffuser leur vision du monde, au détriment de l’objectivité ou de l’exactitude factuelle.
Enfin, il existe une forme encore plus pernicieuse : l’entrisme algorithmique. Porté par l’essor du numérique, il agit en inondant chacun d’informations renforçant ses propres croyances. Il enferme l’individu dans une bulle cognitive où ses biais sont constamment confirmés, allant parfois jusqu’à l’absurde, comme en témoigne la résurgence contemporaine des théories de la Terre plate.
Prendre du recul pour mieux résister
Face à ces multiples formes d’entrisme, il est devenu indispensable de cultiver le recul critique. Vérifier les sources, recouper les informations et accepter d’être confronté à la contradiction sont autant d’actes de résistance contre une influence omniprésente et souvent invisible.
Dans une époque saturée de récits orientés et de vérités partielles, la vigilance intellectuelle est plus que jamais une nécessité.