La détection des signaux faibles est stratégique, que ce soit dans le monde des affaires, en finance, en politique ou dans le domaine de la sécurité, pour ne citer que quelques exemples. Le paradoxe avec les signaux faibles est que, lorsque nous les examinons d’un point de vue historique, nous réalisons que ces signaux n’étaient en tout état de cause pas aussi faibles que cela.
Pour coller à l’actualité, prenons l’exemple des signaux faibles qui ont précédé la guerre de Kippour, il y a 50 ans, ainsi que de ceux précédant l’invasion des villes bordant la bande de Gaza par des terroristes du Hamas le 7 octobre 2023. Lors de la guerre de Kippour qui a débuté le 6 octobre 1973, de nombreux signaux faibles ont été envoyés à la Première ministre de l’État d’Israël, Golda Meir : renforcement des capacités militaires égyptiennes et syriennes, acquisition de nouvelles armes, notamment des missiles sol-air sophistiqués et des chars modernes, mobilisation de troupes égyptiennes et syriennes près des frontières israéliennes, avertissements de multiples informateurs arabes, y compris ceux du roi de Jordanie, etc. Et pourtant, aucun de ces signaux n’a poussé la Première ministre israélienne à mobiliser ses troupes, malgré sa confession ultérieure selon laquelle son intuition lui laissait penser que quelque chose se préparait.
L’histoire nous démontrera que les signaux faibles étaient également nombreux lors de l’attaque menée par la branche armée du Hamas le 7 octobre 2023. Les historiens et d’autres experts militaires expliqueront alors que les services de renseignement ont échoué. Hélas, il ne fait aucun doute que les services de renseignement ont remonté des informations au plus haut niveau de l’État concernant l’imminence d’une attaque en provenance de la bande de Gaza, mais il est fort probable que ces renseignements ont été minimisés. En 2001, les États-Unis ont reçu de multiples informations sur la forte probabilité d’une attaque terroriste sur leur sol. En 2008, des experts financiers tels que Michael Burry ou Nouriel Roubini avaient anticipé la crise des subprimes. En 2015, des experts en sécurité intérieure avaient anticipé la menace d’actions terroristes en France, de même que plusieurs experts avaient anticipé la guerre en Ukraine.
Malheureusement, les signaux faibles ont un allié de poids, nommé aveuglement. Cet aveuglement est toujours alimenté par un complexe de supériorité et de déni qui pousse ceux qui sont aux commandes à nier l’accumulation de faits qui conduit généralement à une catastrophe.