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La propagande, une vieille mécanique toujours en service

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La propagande n’appartient pas aux livres d’histoire, mais continue bel et bien d’alimenter nos fils d’actualité, nos débats politiques et contribue sans aucun doute aux colères collectives. Analyser son fonctionnement et son origine est un premier pas pour atténuer son impact.
Au fil des siècles, la propagande a revêtu divers costumes, mais sa nature profonde est toujours la même à savoir, influencer, orienter, manipuler, et cela toujours avec des objectifs extrêmement précis.

Des origines religieuses aux guerres mondiales

Le mot « propagande » n’est pas récent, puisqu’il a été inventé au XVIIe siècle et vient de la « Congregatio de propaganda fide », qui signifie « Congrégation pour la propagation de la foi », qui n’était rien d’autre que l’organisme du Vatican chargé, à l’origine, de diffuser la foi catholique.

La propagande, telle que nous la connaissons aujourd’hui, prend forme au XXe siècle, notamment lorsque la politique de masse et les guerres industrielles font de l’opinion publique, un enjeu véritablement stratégique.

Dès la Première Guerre mondiale, de nombreux États mettent en place de vastes appareils pour soutenir l’effort de guerre, mais également faire taire les doutes et diaboliser l’ennemi.

Une semaine avant leur entrée en guerre, les États-Unis créent le 13 avril 1917
le Committee on Public Information plus connu sous le nom de commission Creel dont les objectifs étaient de fabriquer et encadrer le récit public américain.

La Seconde Guerre mondiale poussera le procédé encore plus loin et, pour l’Allemagne nazie, le chef de file sera Joseph Goebbels qui, dès 1933, occupera la fonction de ministre du Reich à l’Éducation du peuple et à la Propagande (Reichsminister für Volksaufklärung und Propaganda). L’Allemagne nazie, mais également l’URSS stalinienne font de la propagande un véritable outil de contrôle social où les espaces pour la contradiction sont inexistants.

Les messages sont simples, mais martelés avec intensité au travers des radios, dans les cinémas, lors des grands rassemblements. Bien entendu, les propagandistes ne se privaient aucunement de réécrire l’histoire afin que leurs discours soient parfaitement alignés.

Une grammaire qui n’a pratiquement pas changé

De nos jours, les tactiques propagandistes utilisent les mêmes ressorts qui ont été utilisés au cours de l’histoire, notamment en simplifiant les enjeux, en choisissant des images fortes, en répétant sans relâche les mêmes formules ou bien encore en exagérant dans certains cas les menaces.

Avant toute chose, une propagande qui fait son office doit parler à nos émotions, bien plus qu’elle ne parle à notre raison.

Les professionnels de la psychologie sociale et de la communication savent plus que quiconque que les leviers d’une propagande réussie doivent s’appuyer, notamment sur le besoin d’appartenance à un groupe, la peur de l’isolement, et aussi la simplification des messages diffusés dans un monde qui est devenu extrêmement complexe.

Il y a trois ingrédients qui sont incontournables. Tout d’abord, il faut une histoire qui rassure, mais aussi il y a un camp à choisir et enfin un ennemi à désigner. Si ces trois ingrédients sont réunis, alors, il est très probable que la propagande atteindra tous ses objectifs.

Le Conseil de l’Europe parle aujourd’hui de « désordre informationnel » pour décrire une tambouille mélangeant de la désinformation, des rumeurs et des contenus qui sont à l’heure de l’IA plus que jamais biaisés.

De son côté, l’ONU alerte sur les effets très concrets, mais également dévastateurs de ces campagnes de désinformation à l’heure où les conflits armés se multiplient et où des informations tronquées peuvent avoir des effets comparables à ceux de missiles.

Quels que soient les canaux d’information utilisés par les propagandistes, il est primordial d’occuper les esprits, de réduire le doute au maximum afin de pouvoir verrouiller le récit.

À l’ère numérique, la propagande change d’échelle

À l’heure de l’ère numérique, la propagande a pris une toute autre dimension. En effet, les réseaux sociaux permettent aujourd’hui de cibler des groupes de personnes de manière extrêmement précise et ainsi être en mesure de diffuser des messages à une vitesse inégalée et de facto de multiplier la crédibilité des informations diffusées.

Depuis notamment la pandémie de COVID-19, la Commission européenne finance des programmes dédiés à la détection de la désinformation.

Nombreux sont aujourd’hui les acteurs étatiques et non étatiques qui ont « industrialisé » la propagande et, pour ce faire, ont à leur disposition des « fermes de comptes » et de véritables armées dont la seule mission est la désinformation.

Dans leur politique publique, les gouvernements des grandes démocraties sont désormais contraints d’intégrer ce risque propagandiste. Face à un tel risque, ils travaillent sur des stratégies de communication, beaucoup plus transparentes et aussi plus réactives, afin d’éviter de laisser le champ libre aux récits complotistes ou ouvertement hostiles.

Les deepfakes et autres vidéos, générées par l’intelligence artificielle, rendent cette lutte contre la désinformation de plus en plus complexe et il viendra peut-être un jour où il sera quasiment impossible de faire la différence entre une vidéo générée par une intelligence artificielle et la réalité.

Que faire face à une influence omniprésente ?

Dans un tel contexte, il est plus que jamais primordial que les médias en tout genre, et journalistes s’attachent à croiser leurs sources d’information, afin de s’assurer de la véracité des faits.

L’ONU a rappelé à plusieurs reprises que la lutte contre la désinformation ne devait, bien entendu, en aucun cas, servir de prétexte à la censure, et que la liberté d’expression devait rester un principe non négociable.

Dans cette lutte contre la désinformation, chaque personne a un rôle crucial à jouer en vérifiant l’information à laquelle il a accès avant même de la partager. Il est devenu plus que nécessaire de toujours chercher au minimum une source alternative avant même de donner du crédit à une information, et notamment si celle-ci est « sensationnelle ».

Nous devons également prendre conscience du fait que nos propres colères, ainsi que nos peurs, nous rendent beaucoup plus vulnérables à certains messages.

En matière de propagande, la véritable question n’est donc plus de savoir si nous sommes exposés, mais plutôt de savoir jusqu’où nous acceptons d’être influencés sans même nous en rendre compte ?

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