À Marseille, 350 000 euros de cosmétiques se sont envolés. Pas dans un conteneur perdu en mer, mais dans un vol en bande organisée. Un chauffeur routier et son complice ont détourné le chargement, selon un mode opératoire déjà bien rodé.
Ce n’est pas un fait divers isolé, mais le miroir d’un phénomène bien plus large : le fret est devenu une cible majeure, en France, en Europe et plus généralement partout dans le monde.
Quand la logistique se fissure
Un chauffeur détourne son chargement, une complicité interne, et c’est tout un système qui s’écroule. Ce n’est pas l’histoire d’un simple vol, mais une confiance qui disparaît, kilomètre après kilomètre.
Ces vols ne s’improvisent pas. Ils reposent sur une connaissance précise des procédures, des horaires, des faiblesses. Comme un braquage sans arme, mais avec méthode.
En Europe, la FIATA estime à près de 30 milliards d’euros les pertes annuelles liées à ces vols. En France, le Comité national routier observe une recrudescence sur certains axes sensibles : autoroutes, ports, zones de fret.
Une justice qui peine à dissuader
Dans le dossier marseillais, les auteurs étaient connus des services. Le tribunal a tranché : 30 et 24 mois de prison, dont une partie avec sursis et pas d’incarcération immédiate.
La question se pose : quel signal envoie-t-on ? Pour les assureurs, le calcul est simple, à savoir la hausse des primes. Pour les transporteurs, c’est une charge supplémentaire. Pour les réseaux criminels, une conclusion limpide : le risque reste faible.
Le TAPA (Transported Asset Protection Association) souligne que cette faiblesse judiciaire est un point commun à de nombreux pays européens. Les pertes sont massives, les peines souvent symboliques.
Un marché criminel mondialisé
Ces cargaisons ne disparaissent pas dans un trou noir et alimentent d’autres économies, qu’il s’agisse de drogue ou d’armes, et parfois pire. L’ONUDC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime) évalue à plusieurs dizaines de milliards de dollars par an l’impact du crime organisé lié au transport.
Aux États-Unis, le FBI évalue à 15 à 30 milliards de dollars le coût annuel du vol de fret. Au Brésil, certains braquages de camions prennent l’allure d’opérations paramilitaires. Le schéma est mondial, les méthodes varient, mais la logique est identique : détourner, écouler, financer.
Trois piliers, un manquant
La sûreté du fret, ce n’est pas seulement des cadenas high-techs, un GPS sur le camion ou des agents de sécurité. C’est un triptyque qui prend forme autour de la prévention interne, d’une parfaite coopération avec les forces de l’ordre et d’une justice dissuasive.
Les deux premiers existent, même s’ils sont imparfaits. Le troisième, trop souvent, reste théorique. En effet, aussi longtemps que les peines ne pèseront pas réellement, le fret restera une rente pour les criminels et une plaie béante pour l’économie mondiale et sa sécurité.